12 juillet 2021. Début de notre voyage à vélo France-Népal. Une date dont on se souviendra certainement encore longtemps. Nous voilà enfin donnant les premiers coups de pédale de ce qui s’annonce être une longue aventure cyclo-nomade vers le continent asiatique.
Un départ plein d'émotions
Nous voulions depuis longtemps partir à la rencontre d’autres cultures, à la découverte de hauts plateaux, entreprendre un long voyage vers l’inconnu. La décision fût prise assez rapidement finalement : pourquoi pas le Népal et l’imposante chaine himalayenne ? Pourquoi pas à vélo ? A peine y avions-nous pensé que déjà nous nous lancions dans les préparatifs. Et quels préparatifs ! Quand on débute dans le voyage à vélo, même si l’on vient du milieu de la randonnée, il y a beaucoup de nouveautés sur lesquelles se renseigner. Et plus on se renseigne, plus on a envie d’en apprendre, plus on veut perfectionner notre matériel avant le départ. Et voilà qu’après toutes ces recherches, tout ce travail fourni en amont, nous y sommes enfin. Le grand départ. Celui dont on rêve depuis si longtemps mais qui a toujours semblé lointain, presque inaccessible. Après plusieurs reports du projet pour cause de confinement et autres ennuis pandémiques, mais aussi certainement par crainte de l’inconnu, nous sommes enfin prêts. Cela nous paraît d’ailleurs encore irréel. Nous sommes là, dehors, avec nos vélos chargés de tous nos trésors pour les mois à venir, quelques membres de notre famille autour de nous, un beau ciel bleu, et pourtant nous nous sentons comme étrangers à l’évènement. Est-ce bien nous qui sommes là en train de partir pour on ne sait combien de temps à l’autre bout du monde ? Est-ce c’est vraiment le jour J, celui du début de notre aventure ?
On s’éloigne, l’air de rien. Un jour comme les autres sur ces routes qui nous sont si familières. Et pourtant. Quelque part au fond de nous on a conscience qu’on ne reviendra pas avant longtemps, qu’on ne reverra pas nos proches de sitôt. On avance, le paysage défile mais le temps reste comme suspendu. Un mélange d’émotions, d’une étrange complexité, s’opère en nous : excitation, sérénité, mélancolie. Puis nous sortons de nos frontières, celles de notre agglomération, de notre département. Il flotte comme un air de vacances dans les plaines de Camargue. Le destin se veut même réconfortant, nous offrant une première rencontre cyclo-voyageuse pour passer notre première soirée en compagnie. Cela nous annonce aussi la couleur de ce périple aux belles rencontres mais toujours éphémères. Ainsi soit-il.
De la Camargue aux portes du Queyras
Le calme plat des routes camarguaises laisse peu à peu la place à des vallons, laissant eux-mêmes place à de plus grandes collines, puis des montagnes. Nous aimons la montagne, nous l’avons toujours aimé et nous ne voulons pas nous sentir limités par ses difficultés. Notre première excursion en vélo cet hiver dans les Alpes nous a réconforté : même sans entrainement, avec beaucoup de poids, du froid et de mauvaises conditions, il est possible de voyager à vélo en montagne. Bien sûr, il nous faut encore trouver notre rythme. Parfois trop lents nous nous sentons frustrés, inefficaces. Parfois trop rapides nous avons l’impression de ne pas assez profiter, nous nous fatiguons. Alors cette fois-ci, on essaie de faire les choses plus progressivement. On prend un peu plus le temps, on s’écoute.
Notre passion commune pour la photographie nous amène à faire de nombreuses pauses. C’est l’occasion pour nous de souffler et de profiter des paysages. Nous découvrons la Provence et les champs de lavande sur la route des plateaux de Valensole, où nous baignons dans un parfum constant, parfois presque écœurant. Puis ces étendues violettes à la senteur si célèbre se raréfient, et nous laissent entrevoir le bleu azur du lac du Verdon. Il est temps de flâner, de s’essayer à une baignade sur une plage moins fréquentée, au charme pourtant redoutable. Pour ajouter à cette sensation de vacances, et comme il n’est pas toujours évident de s’autoriser un bivouac dans des zones aussi touristiques, nous découvrons les joies du camping à vélo. Cela nous apporte certes le confort d’une douche, mais surtout la convivialité de belles rencontres, une fois de plus éphémères mais d’autant plus touchantes.
A ce lac de Provence succède celui de Serre-Ponçon, où l’on commence à sentir un peu plus l’empreinte de la montagne. Nous souffrons de ces premières montées, sous la chaleur. Mais comme notre bonne étoile semble être là et nous guider, nos efforts sont récompensés. Nous profitons d’une magnifique soirée au-dessus du lac, en compagnie d’un groupe de parapentistes ayant gracieusement offert à l’un d’entre nous la chance de voler en biplace au soleil couchant. Le voyage nous rappelle sans cesse comme la vie est parfaite, et comme chaque moment difficile n’est là que pour nous amener à un instant magique. Nous vivons chaque instant, chaque coup de pédale. Parfois dans la douleur, parfois la gratitude. Après seulement une semaine d’itinérance, nous ressentons déjà la puissance des petits bonheurs de la vie : un sourire, la vue furtive d’un animal sauvage, une pause sur un banc bien placé, une douche… Ces petits plaisirs nous aident à tenir le coup dans les moments difficiles, pour les surmonter, apprendre de nos erreurs, aller vers quelque chose de positif. Et c’est ce qui nous amena à Guillestre, charmant petit village à l’entrée du Queyras, où nous prenons un repos plus ou moins forcé par une douleur très gênante pour Antoine au niveau du tendon d’Achille. C’est l’occasion pour nous de passer de bons moments avec la famille qui nous accueille généreusement. On partage repas, discussions, et même une belle randonnée aquatique dans les gorges avoisinantes. Et comme il n’y a pas de hasard, c’est sur les conseils du père de famille que nous modifions notre itinéraire pour passer par le col de l’Izoard.
Un col vers l’Italie
Au début on se sent un peu fous d’avoir choisi cette option. Le tendon d’Antoine va à peine mieux, et il s’agit tout de même d’un col mythique du tour de France à plus de 2300m d’altitude. Puis on se rassure : rien n’est infaisable, il suffit d’y aller à notre rythme. Alors on poursuit notre route en direction du col. Les premiers kilomètres ne nous impressionnent pas encore, mais ils se transforment vite en une horrible sensation de ne pas avancer sur cette longue route à l’apparence plane. Le compteur est là pour nous rappeler qu’il s’agit bien d’une illusion puisque nous sommes déjà dans une pente à 6 ou 7%. Et après d’interminables kilomètres, nous passons Brunissard, le dernier village avant que les choses ne se gâtent. Le soleil nous brûle la peau, nos jambes semblent déjà fatiguées, et pourtant on voit se rapprocher une série d’épingles à l’allure bien plus raide que notre pente actuelle. Nous perdons un peu pied face à l’inclinaison de la montée. Notre stress est palpable, notre découragement aussi. Il est temps de s’arrêter, de récupérer notre souffle à l’abri du soleil cuisant. Et nous nous arrêtons ainsi, autant de fois que nécessaire. L’ombre de la forêt bordant la route nous redonne un peu de courage.
Nous y sommes presque. La vue se dégage, elle est magnifique. Le paysage se transforme et devient lunaire. Nous arrivons, déjà très fiers, au replat de la Casse Déserte. Tout n’est que roche autour de nous. Un superbe spectacle que nous apprécions d’autant plus pour ce qu’il nous offre de réconfort après cette ascension laborieuse. Mais le ciel s’obscurcit progressivement et nous force à reprendre l’ascension. Il ne reste que deux kilomètres. Nous avons hâte d’arriver en haut, et en même temps nous voulons apprécier encore un peu cette vue mémorable. Les nuages se font de plus en plus menaçants au-dessus de nous. Décidément, nous n’avons pas de chance pour ce premier col. Il se met soudainement à pleuvoir, puis grêler. Nous en rions tellement le spectacle est absurde : le jour tombe, les deux cyclo-voyageurs que nous sommes arrivent lentement à bout de l’Izoard sous une averse diluvienne, un immense sourire sur le visage, comme si tous les efforts précédents avaient été effacés, pendant qu’au loin le ciel s’ouvre pour laisser le soleil illuminer les montagnes.
Nous l’avons fait ! Quelle joie, quelle fierté, quelle excitation ! Il pleut toujours, nous avons froid, le col est lunaire, mais qu’importe. Nous laissons déborder nos émotions tout en allant s’abriter. Il nous faut nous couvrir et trouver un emplacement pour notre tente afin de nous réchauffer. Nous logerons un peu à l’écart des quelques vans et camping-cars également présents. La pluie cesse pour nous laisser jouir de la vue panoramique sur les environs. Nous en profiterons encore un long moment le lendemain, avant d’entamer la magnifique descente nous séparant du Col de l’Echelle, celui de notre passage en Italie.
des rêves plein la tête
Le col de l’Echelle n’est pas comparable à celui de l’Izoard : bien plus court, bien moins raide et sans grande vue panoramique, il restera tout de même gravé dans nos mémoires. La dure ascension de la veille se fait sentir et nous peinons presque à venir à bout de ce nouveau col. Il ouvre un passage vers une magnifique plaine verdoyante, dans laquelle nous laissons voguer nos pensées vers l’Italie. Pourrons-nous passer la frontière sans encombre ? Qu’allons nous ressentir en franchissant le cap de notre premier pays ? Les pizzas seront-elles aussi bonnes qu’on le dit ? Et le café ? Autant d’interrogation que de scintillements dans nos yeux ce soir-là pour notre dernière nuit en France.
Pour voir notre itinéraire en détail, ça se passe sur Komoot : juste ici (même sans compte normalement 😉 )
Great reading , looking forward to your next posts and photos.
Tank you very much !